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Article:

Traitement fiscal de l’e-mobilité en entreprise

16 juin 2023

Silvan Andermatt, Senior Tax Manager Global Employer Services |
Roland Z'Rotz, Senior Tax Manager Sustainability Services |

13 min

Notre façon de nous déplacer a une influence directe sur le climat. En Suisse, le secteur de la mobilité produit environ 40% des émissions totales de CO2. Les entreprises cherchent aussi à améliorer davantage leur bilan CO2 pour atteindre les objectifs de durabilité qu'elles se sont fixés. Il n'est donc pas surprenant que l’électromobilité (ou e-mobilité) gagne du terrain dans le domaine privé, mais également dans les entreprises. Cet article examine les défis fiscaux auxquels les entreprises sont confrontées en passant à l'e-mobilité.

 

Quelle imposition pour les véhicules d'entreprise?

Les véhicules d'entreprise ont une importance particulière dans de nombreuses entreprises, car on ne les considère pas uniquement comme des «outils de travail», mais également comme un instrument d’incitation attractif pour les collaborateurs. Comme leur nom l’indique, les véhicules d'entreprise appartiennent à l'entreprise et, dans la plupart des cas, les collaborateurs peuvent également les utiliser à des fins privées. On parle alors d’utilisation mixte.

L'utilisation privée du véhicule d'entreprise par les collaborateurs, que ce soit pour se rendre au travail ou pour des déplacements privés, est considérée comme un élément du salaire (avantage appréciable en argent). Elle est donc soumise à l’impôt et peut se calculer de manière effective ou forfaitaire.

 

Décompte effectif

Le décompte effectif prend en considération les coûts réels du trajet pour se rendre au travail, mais également ceux des déplacements privés. L’avantage appréciable en nature s'élève à CHF 0.70 par kilomètre parcouru et doit être déclaré en conséquence dans le certificat de salaire. Le décompte effectif requiert du collaborateur qu’il tienne un carnet de route dans lequel il note les dépenses effectives.

 

Décompte forfaitaire

La méthode du décompte forfaitaire est la plus appliquée dans la pratique. Elle est généralement plus intéressante pour les collaborateurs et plus simple à décompter pour l'entreprise.

Selon l'ordonnance sur les frais professionnels, la part privée peut être calculée sur la base d'un forfait mensuel de 0,9% de la valeur d’acquisition nette (hors TVA), mais au minimum CHF 150 par mois. Ainsi, tant l'amortissement que les frais courants du véhicule sont couverts et le collaborateur ne prend en charge que les frais d'essence des plus longs déplacements privés, comme les vacances par exemple. En conséquence, un collaborateur qui ne parcourt que peu de kilomètres professionnels, mais qui effectue un long trajet jusqu’au travail profitera davantage d’un décompte forfaitaire.

 

Les points critiques des véhicules d’entreprises électriques sur le plan fiscal

Une entreprise qui envisage de passer à l’e-mobilité se retrouve confrontée à plusieurs problématiques. Indépendamment de diverses questions opérationnelles (par ex. la mise à disposition d'une infrastructure de recharge, la garantie de l'autonomie, etc.), des questions fiscales se posent également.

 

Quelle part privée faut-il appliquer aux véhicules d'entreprise électriques?

La question de soumettre la part privée des véhicules électriques à un traitement différent peut sembler banale à première vue. Il faut savoir, d’une part, que les coûts d'acquisition des véhicules électriques sont actuellement (encore) nettement plus élevés que ceux des véhicules thermiques équivalents. D’autre part, les coûts d'entretien des véhicules électriques sont presque nuls pour une durée de vie plus longue. Pour les conducteurs qui roulent beaucoup, le coût total d’un véhicule électrique est même généralement inférieur à celui des véhicules thermiques. Cet aspect renforce énormément l’attractivité des véhicules électriques du point de vue de l'employeur.

L'image est toutefois quelque peu différente (assombrie) du point de vue des collaborateurs, car seuls les coûts d'acquisition (et non l’ensemble des coûts) sont pris en compte dans le calcul de la part privée.

La situation est illustrée dans l'exemple ci-dessous:

Aperçu (Chiffres selon le TCS) Véhicules électriques
VW ID.4 Pro Performance
Véhicules essence
VW Tiguan 2.0 TSI 190 Life 4Motion DSG
Prix d’achat CHF 45'678 CHF 41'055
Forfait imposable (0,9% x 12 = 10,8%) CHF 4'933 CHF 4'434
Coûts d’utilisation pour un kilométrage total de: 5'000 km CHF 8'519 CHF 9'230


Conclusion: bien que les coûts d'utilisation du véhicule électrique soient moins élevés, les collaborateurs doivent déclarer une part privée plus élevée d'environ CHF 500 pour un véhicule équivalent.

Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a rejeté une intervention au niveau politique visant à réduire la part privée pour les véhicules électriques. Ces derniers sont donc soumis aux mêmes règles que les véhicules thermiques. Une chose est claire: si, comme on s'y attend généralement, les coûts d’acquisition des véhicules électriques étaient moins élevés, le potentiel désavantage appréciable en argent diminuerait en conséquence.

 

Quel traitement fiscal pour l'installation d'une borne de recharge chez les collaborateurs?

Les prix de l'électricité varient fortement d’une borne de recharge à une autre. Lorsque les collaborateurs peuvent recharger le véhicule à leur domicile au tarif de nuit, l'électricité est environ 2 à 4 fois moins chère que lorsque la recharge s’effectue à une borne rapide publique. L’entreprise et les collaborateurs ont donc tout intérêt à ce que ces véhicules puissent être rechargés au domicile du collaborateur ou dans l'entreprise. Par conséquent, il est donc très judicieux d’installer d'une borne de recharge au domicile des collaborateurs. Dès lors, de nombreuses entreprises souhaitent encourager l'installation de bornes de recharge chez leurs collaborateurs pour appuyer le passage à l’e-mobilité.

 

Financement par l'employeur

En règle générale, l'installation d'une borne de recharge coûte entre CHF 3'000 et CHF 5'000. Une enquête menée dans différents cantons montre que lorsque l’employeur paie l’installation d’une borne de recharge au domicile du collaborateur, cela est considéré comme un avantage appréciable en argent et doit figurer sur le certificat de salaire. Par conséquent, l’année où l'entreprise passe à l'e-mobilité, les collaborateurs sont susceptibles de supporter une charge d'impôt supplémentaire sur le revenu. Comme le montre le tableau suivant, seuls quelques cantons renoncent à une prise en compte (complète) comme élément du salaire:
 

Financement de la borne de recharge par l’employeur

Canton* Part de l’élément du salaire imposable
(Avantages divers)
Franchise - pas un élément du salaire
AG 100% Jusqu’à CHF 500**
BS 100% x*
FR 100% x*
GL 100% x*
GR 100% x*
LU 100% Jusqu’à CHF 1'500
NW 50% x*
OW 50% *** x*
SH 100% x*
SZ 100% x*
SO 100% x*
SG 100% x*
TG 100% x*
UR 100% x*
VS 100% x*
ZG 0% x*
ZH 100% x*


* Une enquête a été menée auprès de tous les cantons. Seuls les cantons qui ont répondu sont mentionnés. Certains cantons n'ont pas encore de pratique établie et ont donc renoncé à répondre aux questions.

** La prise en charge des coûts jusqu'à CHF 500 n'est pas considérée comme un élément du salaire. Le montant total pris en charge par l'employeur ne doit pas dépasser CHF 500. A partir du moment où l'employeur prend en charge plus de CHF 500 de coûts, le montant total est imposable.

*** La prise en charge des coûts jusqu'à CHF 500 n'est pas considérée comme un élément du salaire. Le montant total pris en charge par l'employeur ne doit pas dépasser CHF 500. A partir du moment où l'employeur prend en charge plus de CHF 500 de coûts, le montant total est imposable.

Lorsqu’un collaborateur quitte l'entreprise peu de temps après l’installation d’une borne de recharge, il peut être tenu de rembourser l'investissement effectué. Dès lors, la question se pose de savoir si et dans quelle mesure le remboursement demandé par l'employeur peut être déduit du revenu imposable du collaborateur. Certains cantons ont prévu des règles spécifiques pour ce cas de figure.

 

Financement par les collaborateurs

En règle générale, les collaborateurs qui financent eux-mêmes une borne ne peuvent pas faire valoir de déduction fiscale, ni sous forme de frais d’acquisition du revenu (pour les locataires), ni sous forme de frais d'entretien du bien immobilier (pour les propriétaires).

Les coûts liés à l’installation d’une borne sur son propre bien-fonds constituent des coûts d’investissement qui augmente la valeur de celui-ci. Certains cantons peuvent appliquent des règles spéciales uniquement lorsque l’installation de la borne de recharge est liée au passage à une production d’énergie durable. Dans ce cas et sous certaines conditions, les coûts peuvent être déduits comme frais d'entretien, comme le montrent les exemples suivants des cantons d'Argovie, de Berne et de Zurich:

  • Argovie: lors de la première acquisition d'une station de charge bidirectionnelle combinée à une installation photovoltaïque, les 2/3 des coûts peuvent être déclarés comme mesure d'économie d'énergie pour un bien immobilier propre et 1/3 des coûts comme frais d'installation.

  • Berne: pour être considérée à 100% comme de l’entretien, l'installation d'une station de recharge électrique doit être alimentée par une installation photovoltaïque propre.

  • Zurich: les coûts d’une installation fixe de la borne de recharge sont considérés comme un investissement qui permettent des économies d'énergie. Ils sont déductibles comme frais d'entretien lorsqu’une installation photovoltaïque est posée en même temps.

Le propriétaire du bien immobilier a la possibilité de déduire les éventuels frais de réparation au titre des frais d'entretien.

En principe, les locataires sont désavantagés car les frais d’acquisition de la borne ne font l'objet d'aucune déduction fiscale. Ils ne peuvent faire valoir ni les frais d'entretien ni les frais d'acquisition. Dans la pratique, le fait que les collaborateurs soient locataires ou propriétaires n’est donc pas anodin. L'installation de la borne par le propriétaire du bien immobilier est généralement judicieuse d'un point de vue fiscal - en répercutant, le cas échéant, les coûts dans le contrat de location.

 

Quelle imposition pour l'achat d'électricité?

Comme pour le carburant, il existe différentes manières de décompter l'achat d'électricité pour les véhicules d'entreprise électriques:

  • Méthode effective

  • Décompte forfaitaire

Un décompte selon la méthode effective requiert des mesures techniques et organisationnelles ainsi qu'une infrastructure importante, y compris une borne de recharge équipée d’un module de communication au domicile. Ces exigences représentent actuellement un réel défi dans de nombreux cas. Un autre inconvénient de la méthode effective réside dans le fait que les entreprises n’encouragent pas leurs collaborateurs à éviter les stations de recharge rapides coûteuses.

Par conséquent, de nombreuses entreprises optent pour le décompte forfaitaire dans le but de réduire les coûts administratifs et d’offrir une solution simple et attractive. Les achats d'électricité effectués par les collaborateurs (à leur domicile, sur leur lieu de travail et aux bornes de recharge publiques) sont donc remboursés de manière forfaitaire comme des frais. Le modèle de règlement pour le remboursement de frais de la Conférence suisse des impôts (CSI) prévoit un forfait de 60 francs par mois. Ce montant couvre tous les coûts liés à la consommation privée d'électricité du véhicule électrique. Le montant forfaitaire versé est à indiquer dans le certificat de salaire sous le chiffre 13.2.3 avec la mention «Remboursement de l'électricité du véhicule électrique».

Bien que ni les administrations fiscales ni les caisses de compensation ne soient liées par cette recommandation, elle est suivie par la plupart des cantons.

Toutefois, le forfait ne permet pas de distinguer si l’électricité est utilisée pour des trajets professionnels ou privés. Si des collaborateurs qui parcourent de longues distances dans le cadre de leur travail reçoivent une indemnité plus élevée, la part de l'indemnité supérieure à 60 francs par mois doit être déclarée comme une prestation appréciable en argent sur le certificat de salaire. Cela peut générer une charge supplémentaire pour les collaborateurs: par exemple, il semblerait approprié de verser une indemnité d’environ 150 francs par mois à un collaborateur qui parcourt 30’000 km par an pour son travail en comptant environ 30 centimes par kWh.

 

Qu’en est-il des vélos électriques?

Le vélo n’a pas non plus échappé à l’électrification. Etant donné que l’e-bike a une bonne autonomie et besoin de peu de place, il est également un candidat attractif pour les flottes de véhicules professionnels. Cependant la plupart des cantons renoncent à imposer la part privée des vélos électriques mis à disposition par l'entreprise. En revanche, si l'employeur met un vélo électrique à disposition de son collaborateur pour se rendre au travail, il doit cocher la case F (transport gratuit entre le domicile et le lieu de travail) du certificat de salaire.

En principe, les vélos électriques privés sont traités comme des vélos traditionnels. Généralement, on admet une déduction forfaitaire de 700 francs pour le trajet entre le domicile et le travail. Un seul canton, Uri, connaît une réglementation qui autorise une déduction de 0,70 franc par km pour le trajet à vélo électrique, comme pour une voiture.

 

Quelles conclusions peut-on tirer d'un point de vue fiscal en matière d’utilisation d’un véhicule électrique?

  • Les véhicules d'entreprise électriques utilisés à titre privé sont imposés comme les véhicules traditionnels sur une part privée forfaitaire de 0,9% par mois du prix d'achat.
  • En général, l'installation de l'infrastructure de recharge est considérée comme des frais d'acquisition générant une augmentation de valeur. Lorsque l'employeur prend en charge les coûts, ceux-ci doivent généralement être imposés comme un élément du salaire. Il existe des différences entre les cantons et certains d’entre eux appliquent des allègements.
  • L'achat d'électricité pour les véhicules d'entreprise électriques fait généralement l’objet d’un décompte forfaitaire. Dans la plupart des cantons, l'indemnité maximale autorisée pour les frais est de CHF 60 par mois, bien que les coûts réels de l'électricité soient souvent plus élevés. Une indemnité plus élevée constitue un élément de salaire imposable.
  • Etant donné que la pratique de nombreux canton en matière de véhicules d'entreprise n'est pas encore bien établie et qu’elle diffère parfois d’un canton à un autre, il est recommandé de clarifier la situation au cas par cas.
  • Nos explications le montre, le passage à l'e-mobilité est susceptible d’entraîner une augmentation de la charge fiscale pour les collaborateurs. Le traitement fiscal n’encourage en aucun cas l’e-mobilité et peut entraver la transition dans les entreprises. Si vous constatez des résultats inappropriés ou des charges excessives pour les collaborateurs, il peut être judicieux de prendre contact avec les autorités fiscales afin de trouver des solutions individuelles.