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  • UE/AELE - Nouvel accord-cadre sur le télétravail
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UE/AELE - Nouvel accord-cadre sur le télétravail

04 juillet 2023

Pierre Martini, Fiscaliste |

8 min

Lorsqu’un employé travaille à l’étranger, c’est à l’employeur qu’il revient de vérifier s’il est soumis aux assurances sociales en Suisse ou éventuellement à celles d’un autre état. La question se pose régulièrement notamment pour les travailleurs frontaliers qui télétravaillent. Pendant la pandémie, les Etats ont appliqué un accord spécial, arrivé à échéance le 30 juin 2023. Cet accord ne sera pas prolongé, mais il est remplacé par un nouvel accord-cadre qui réglemente le télétravail pour les travailleurs frontaliers.

Télétravail transfrontalier

Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle est que la Suisse a signé l’accord Multilateral Framework Agreement (MFA) entré en vigueur le 1er juillet 2023. Par conséquent, les entreprises suisses peuvent s’y référer et, le cas échéant, profiter d’une flexibilité étendue. 

Quant à la mauvaise nouvelle, on constate, une fois de plus, que le diable se cache dans les détails. C’est faire fausse route que de considérer qu’il est désormais possible de travailler depuis où l’on veut. Il subsiste également certaines incertitudes dont l’application se précisera avec le temps.

Les principes de base

  • L’art. 13 du Règlement (CE) 883/2004 n’est pas affecté. En principe, une activité exercée dans plusieurs Etats membres reste soumise à la législation en matière d’assurances sociales de l’Etat membre de résidence si l’activité y est exercée à 25% ou plus. 

  • L’accord-cadre est le règlement d’application de l’art. 16, al. 1, du Règlement (CE) 883/2004 (Accord spécial), qui prévoit que, lorsque l’activité est exercée pour plus de 25% dans l’état de résidence sans atteindre 50%, elle reste soumise à la législation en vigueur dans l’état du siège de l’employeur. Les employeurs suisses doivent faire une demande d’attestation A1, sans quoi l’activité sera soumise aux assurances sociales de l’état de résidence. Un nouveau type de cas a été créé pour cela: «télétravail transfrontalier».  

  • L’accord-cadre concerne exclusivement les activités habituelles dans l’état de résidence et l’état du siège de l’employeur. Il n'inclut pas les activités habituelles autres que le télétravail transfrontalier et/ou les activités habituelle dans d'autres états que ceux-là. Il n’inclut pas non plus les travailleurs indépendants. 

  • Si les conditions d'application de l'accord-cadre ne sont pas réunies, il est néanmoins possible de demander à rester soumis à la législation de l'état du siège de l'employeur (accord spécial). Toutefois, une demande est déposée doit être approuvée par l'état concerné, alors que l’approbation est présumée acquise en cas d'application de l'accord-cadre. 

 

Testez vos connaissances en matière de télétravail 

Nous avons préparé pour vous 10 exemples d’application du nouvel accord-cadre. Retrouvez sous chaque titre la situation initiale ainsi que son appréciation. 

Situation initiale 

Monsieur Schmidt est allemand. Il habite en Allemagne et est employé en Suisse. Il travaille à 40% depuis son domicile et à 60% en Suisse au siège principal de son employeur.  

Appréciation 

Etant donné que l’activité est exercée à plus de 25% dans l’état de résidence, celle-ci est en principe soumise à la législation allemande. Néanmoins, les conditions de l’accord-cadre étant réunies, il est donc possible de maintenir l’assujettissement en Suisse au moyen d’une demande d’attestation (droit d’option). 

Si Monsieur Schmidt réduit la part de travail à domicile à 20%, l’activité sort du domaine d'application de l’accord-cadre. Monsieur Schmidt est donc soumis à la législation suisse. Le droit d’option est supprimé. 

Conseil: Nous recommandons la signature d'un accord contractuel avec l'employé, qui précise toutes les composantes importantes - notamment le choix de l'état d’assujettissement, les conséquences en cas de changement et l'obligation d'information. 

Situation initiale 

Madame Johnson est américaine. Elle habite en Allemagne et est employée en Suisse. Elle travaille à 45% depuis son domicile en Allemagne et à 55% en Suisse au siège principal de son employeur.  

Appréciation 

L’accord-cadre s’applique exclusivement aux personnes soumises à l'accord sur la libre circulation des personnes avec l'UE (ALCP) ou à la convention AELE. Par conséquent, il ne s’applique pas à Madame Johnson qui est ressortissante d’un état tiers.

Situation initiale 

Monsieur Müller est allemand. Il habite en Allemagne et est employé en Suisse. Il travaille à 40% depuis son domicile et à 60% en Suisse au siège principal de son employeur. Le week-end, il travaille à la brasserie Hofbräuhaus à Munich. 

Appréciation 

L'accord-cadre ne s’applique pas aux personnes qui, parallèlement à leur activité pour un employeur suisse, travaillent également pour un employeur au sein de l’UE ou d’un Etat de l’AELE. 

Fréquemment, il s’agit de savoir si la limite de marginalité s’applique. Dans l'affirmative, l'accord-cadre est applicable pour autant que l'activité marginale à la brasserie Hofbräuhaus ne représente pas plus de 5% de toutes les activités. Cette question est actuellement débattue au sein de l’UE. 

Situation initiale 

Monsieur Meier est allemand. Il habite en Allemagne et est employé en Suisse. Il travaille à 40% depuis son domicile et à 60% en Suisse au siège principal de son employeur. Le week-end, il travaille dans un café à Bonaduz (GR). 

Appréciation 

L’accord-cadre s’applique. Le télétravail dans l’état de résidence est inférieur à 50% et tous les employeurs ont leur siège dans le même état. 

Conseil: Il est dans l’intérêt du café de Bonaduz de demander régulièrement à Monsieur Meier si les conditions sont toujours les mêmes. S'il augmente sa part de travail à domicile à 50% chez son employeur principal, son activité sera soumise à la législation allemande. Dans ce cas, le café devra également décompter son salaire en Allemagne selon le droit allemand. 

Situation initiale 

Madame Kaufmann est allemande. Elle habite en Allemagne et est employée en Suisse. Elle travaille à 30% depuis son domicile et à 20% en Suisse au siège principal de son employeur. Le reste du temps (50%), en sa qualité de représentante des marchés allemand, autrichien et suisse, elle rend régulièrement visite à ses clients en Allemagne, Autriche et Suisse. 

Appréciation 

L’accord-cadre ne s’applique pas aux personnes qui, en plus du télétravail dans leur état de résidence, exercent habituellement une activité dans un autre pays de l'UE ou de l'AELE. 

Par conséquent, même si Madame Kaufmann, en plus de son travail à domicile, ne rendait visite qu’à des clients en Allemagne, elle n'entrerait pas non plus dans le champ d'application de l'accord-cadre, étant donné qu’il ne s'applique pas aux personnes qui, en plus du télétravail dans leur état de résidence, y exercent habituellement une autre activité. 

Conseil n° 1: Admettons que Madame Kaufmann rend uniquement visite à des clients en Suisse et une fois à un client en Allemagne à titre exceptionnel, l’accord-cadre est applicable dans la mesure où tous les autres critères sont respectés. A partir du moment où un Etat de l’UE supplémentaire est concerné, Madame Kaufmann sort du domaine d'application de l’accord-cadre. 

Conseil n° 2: Admettons que Madame Kaufmann rend uniquement visite à des clients en Suisse et une fois à un client en Autriche (Etat de l’UE supplémentaire) à titre exceptionnel, il serait possible de faire une demande pour un détachement ponctuel. Elle disposerait ainsi d’une attestation A1 pour le «télétravail transfrontalier» et d’une autre pour un «détachement». 

Situation initiale 

Monsieur Schneider est allemand. Il habite en Allemagne et travaille pour un employeur suisse dont le siège est à Zurich. Il travaille à 40% depuis son domicile en Allemagne et 60% dans la succursale autrichienne de son employeur. 

Appréciation 

L’accord-cadre ne s’applique pas étant donné que Monsieur Schneider ne travaille pas dans l’état du siège de son employeur (Il est employé par un employeur suisse, mais il exerce son activité en Allemagne et en Autriche). 

Situation initiale 

Madame Fischer est allemande. Elle habite en Allemagne et travaille à l’Université de Bâle. En sa qualité de professeure, elle y enseigne, mais elle est également active dans la recherche. Elle travaille à 40% depuis son domicile et son activité consiste à rédiger des rapports de recherches, à préparer ses cours et à corriger les examens de ses étudiants.  

Appréciation 

Son activité doit être examinée en détail afin de déterminer si elle répond à la définition du télétravail selon l'accord-cadre. 

Lorsqu’il télétravaille, le travailleur doit être connecté à l'environnement de travail de l'employeur afin d'accomplir les tâches qui lui sont confiées. Il doit normalement et habituellement y avoir une connexion informatique, mais pas nécessairement pendant 100% du temps de travail. Généralement, la définition n’englobe pas les activités manuelles. 

Dans le cas de Madame Fischer, il faut donc vérifier quelles activités de télétravail la relient à l'environnement de travail de l'université et clarifier si l'accord-cadre est applicable. 

Situation initiale 

Monsieur Weber est allemand. Il habite en Allemagne et est employé en Suisse. Il travaille à 30% depuis son domicile en Allemagne et à 70% en Suisse au siège principal de son employeur. Il exerce en plus une activité indépendante en Suisse. 

Appréciation 

Selon l’accord-cadre, il n’est en principe pas possible d’exercer une autre activité dans l’état de résidence, alors qu’il est possible de travailler pour plusieurs employeurs dont les sièges se trouvent dans le même état. Par ailleurs, l’accord-cadre ne s’applique pas aux travailleurs indépendants. 

La combinaison d’une activité principale salariée et d’une activité secondaire indépendante doit être clarifiée et est actuellement débattue au sein de l’UE. Dans ce cas de figure, en cas de coordination au sens de l’ALCP ou de la convention AELE, l’activité indépendante est ignorée. L’accord-cadre ne mentionne quant à lui rien à ce sujet. Il se peut que cela revienne à ignorer l'activité indépendante si elle est marginale (moins de 5%).

Situation initiale 

Madame Rossi est italienne. Elle habite en Italie et est employée en Suisse. Elle travaille à 40% depuis son domicile et à 60% en Suisse au siège principal de son employeur.  

Appréciation 

L’accord-cadre ne s’applique pas vu que l’Italie ne l’a pas encore signé et ne fait donc pas encore partie des Etats signataires (état au 1er juillet 2023), contrairement à nos autres voisins, l’Allemagne, l’Autriche, le Liechtenstein et la France (en dernière minute). Vous trouverez une liste des pays signataires ici

Conseil: Lorsqu’un état signe l’accord-cadre, son application entre en vigueur dès le mois suivant la signature. Il faut donc accorder une attention particulière à son applicabilité dans le temps. 

Situation initiale 

Certains collaborateurs d'un employeur suisse souhaitent temporairement télétravailler depuis un autre pays européen invoquant différentes raisons (une grand-mère qui y vit et qui est gravement malade, pour suivre un traitement hospitalier à l'étranger ou échapper au blues de novembre en Suisse et faire vivre leur maison de vacances à Majorque). 

Appréciation 

Jusqu’à présent, les employeurs devaient refuser ces cas de figure, car un détachement devait s’effectuer dans l’intérêt et pour le compte de l'employeur. 

L’article 12 du Règlement (CE) 883/2004 propose dorénavant une interprétation uniformisée du détachement, selon laquelle le télétravail à 100% est autorisé pour une durée temporaire et de manière ponctuelle (ad hoc). Le télétravail transfrontalier doit être convenu entre l’employé et l’employeur, et il n'est pas nécessaire de distinguer dans l’intérêt de qui il est effectué. 

Le détachement est limité à 24 mois (aucune prolongation possible) et il ne s’applique que si le télétravail à l’étranger ne fait pas partie du modèle de travail habituel. Cependant, les autres conditions relatives au détachement doivent être réunies. 

Conseil: Dans le cadre d’un détachement, il est important de bien évaluer les intérêts. L'employeur pourrait être désavantagé si l'entier de la durée d’un détachement (deux ans) est utilisé dans l’intérêt de l’employé et qu’ensuite aucun détachement ne pourra plus être effectué dans l’intérêt l'employeur.