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  • Nouveau droit des fondations

    Renforcement de l'attractivité de la Suisse pour les fondations ou occasion manquée ?

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Nouveau droit des fondations: renforcement de l'attractivité de la Suisse pour les fondations ou occasion manquée ?

17 mai 2023

Jürg Gehring, Associé, Responsable de succursale |

Une initiative parlementaire avait été déposée en 2014 pour renforcer l'attractivité de la Suisse pour les fondations.  Il a été demandé au Parlement d’améliorer les conditionscadres pour proposer un système suisse d'utilité publique et de fondations efficace et libéral. En décembre 2021, le Parlement a décidé de réviser le droit suisse des fondations sous le nom de «Renforcement de l’attractivité de la Suisse pour les fondations».  Les changements entreront en vigueur le 1er janvier 2024. Qu'est-ce qui va changer pour les fondations?

Dans l'ensemble, le droit suisse des fondations reste inchangé. Cependant, quelques changements ponctuels sont à prendre en compte.

 

1. Réglementation légale du recours en matière de surveillance des fondations

Jusqu’à présent, le recours auprès de l’autorité de surveillance des fondations était reconnu dans la pratique, mais pas réglementé par la loi. La loi prévoit désormais une liste exhaustive de personnes habilitées à déposer une plainte. Il s'agit:

  • des bénéficiaires ou des créanciers de la fondation,
  • du fondateur ou de la fondatrice,
  • des contributeurs ultérieurs et des membres anciens et actuels du conseil de fondation qui ont un intérêt à contrôler que l’administration de la fondation soit conforme à la loi et à l’acte de fondation.

Le fait que le recours auprès de la surveillance des fondations soit désormais réglé par la loi (art. 84, al. 3 nCC) est un signe positif. Néanmoins, certains regrettent que le droit de recours n'ait pas été formulé de manière plus ouverte.

 

2. Extension des droits des fondateurs: réserve en matière de changements d'organisation futurs

Jusqu'à présent, les fondateurs ne pouvaient modifier le but de la fondation que s'ils s'étaient réservés ce droit dans l'acte de fondation ou dans une disposition pour cause de mort. Désormais, les fondateurs peuvent non seulement se réserver le droit de changer le but, mais également de modifier l’organisation de la fondation à l'avenir.

En se réservant ce droit, ils peuvent, par exemple, décider ultérieurement de:

  • redéfinir le droit d’élection et de révocation des membres du conseil de fondation,
  • créer ou supprimer des droits à siéger au conseil de fondation,
  • supprimer des organes ou en créer de nouveaux,
  • redéfinir le nombre de membres du conseil de fondation,
  • s'accorder un droit de veto lors de la prise de décision du conseil de fondation,
  • adopter, modifier ou supprimer des dispositions relatives à la gestion ou à la composition des actifs,
  • modifier la disposition selon laquelle le patrimoine de la fondation doit être préservé ou peut être utilisé.

Lorsqu’une réserve concernant l’organisation est formulée dans l'acte de fondation, les autorités de surveillance doivent intégrer aux statuts les changements d’organisation demandés par les fondateurs. Cela peut aussi être fait sans consulter le conseil de fondation ou contre sa volonté expresse.

La réserve en matière de changements d'organisation peut faciliter l'adaptation aux changements de conditions générales. Un changement d'organisation peut également s'imposer à la suite d’un changement de but déjà autorisé aujourd'hui. Cette réserve élargit les possibilités des fondateurs d'exercer une influence sur la fondation même après sa création. Il est même possible d’effectuer ces changements ultérieurement plusieurs fois.  Cependant, il doit s'être écoulé au moins dix ans entre la création de la fondation ou une précédente modification et une nouvelle demande de modification. Par ailleurs, la modification doit être demandée par les fondateurs eux-mêmes. Le droit de modification n'est ni transmissible ni héréditaire.

La nouvelle réserve en matière de changements d'organisation renforce les droits des fondateurs et leur permet plus de flexibilité. Si l’acte de fondation prévoit une telle réserve, cela peut toutefois conduire à un affaiblissement de l'indépendance de la fondation. Les fondateurs peuvent en effet demander et imposer des changements d'organisation sans consulter le conseil de fondation.

Même si le nouveau droit des fondations n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2024, l'autorité fédérale de surveillance des fondations a déclaré qu'elle accepterait les nouveaux actes de fondation contenant la réserve en matière d'organisation avant même l'entrée en vigueur du nouveau droit des fondations.

 

3. Simplification des modifications de l'acte de fondation

Outre la réserve relative à la modification, le nouveau droit des fondations prévoit deux simplifications formelles en matière de modifications d’un acte de fondation:

  • le texte de loi assouplit les conditions de modifications non substantielles de l'acte de fondation. Une justification objective des modifications est suffisante (sans «raisons objectives valables») et celles-ci ne doivent pas porter atteinte aux droits de tiers.  Le nouveau texte ne devrait pas entraîner de grands changements dans la pratique.
  • Il est clairement précisé que les modifications de l'acte de fondation n'ont pas besoin de faire l'objet d'un acte authentique. Une décision de modification des autorités de surveillance compétentes suffit.

 

4. Pas de réglementation légale des honoraires des membres du conseil de fondation

L'un des principaux objectifs de la réforme visait à préciser dans la loi que le fait de prévoir des honoraires raisonnables pour les conseils de fondation ne doit pas compromettre l'exonération fiscale de la fondation. Toutefois, le Parlement a rejeté cet amendement.

En règle générale, les autorités fiscales cantonales se réfèrent aux informations pratiques de la Conférence suisse des impôts sur l'exonération fiscale des personnes morales du 18 janvier 2008. Il y est précisé que les activités habituelles en tant que membre d'un conseil de fondation procèdent du principe du bénévolat et que seuls les frais effectifs sont indemnisés. Des jetons de présence modestes peuvent être admis. Les activités qui sortent de l'activité ordinaire d'un membre du conseil de fondation peuvent en revanche être indemnisées de manière appropriée, sans conséquence négative pour l'exonération fiscale de la fondation. Les administrations fiscales cantonales disposent d'une marge d'appréciation considérable quand il s'agit d’accorder l'exonération fiscale, notamment dans l'interprétation de la notion de «jetons de présence modestes». Les autorités cantonales appliquent des critères très différents dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, ce qui entraîne une inégalité et une insécurité juridique considérables.

Tant que les autorités fiscales exigeront des membres de conseil de fondations exonérées qu’ils assument la responsabilité et la direction à titre bénévole, le choix des candidats potentiellement appropriés et engagés est considérablement limité.  De plus, l'absence de rémunération peut également nuire au professionnalisme des fondations exonérées.

Le modèle de statuts publié par l'autorité fédérale de surveillance contient désormais une clause qui autorise expressément une rémunération appropriée. Ainsi, l'autorité fédérale de surveillance signale au moins qu'elle accepte une rémunération dans un cadre raisonnable du point de vue du droit des fondations.

Si les autorités fiscales acceptaient, elles aussi, une rémunération appropriée des conseils de fondation, sans remettre en question l'exonération fiscale des fondations, les effets sur l'attractivité et le professionnalisme de la Suisse en tant que lieu d'implantation des fondations seraient extrêmement positifs.

 

5. Conclusion

La révision du droit des fondations facilite quelque peu les modifications des actes de fondation, crée une base légale pour la surveillance des fondations et élargit les possibilités d'influence des fondateurs a posteriori. En ce sens, elle renforce quelque peu l’attractivité de la Suisse pour les fondations. Il ne faut cependant pas s'attendre à des effets plus importants.